Pendant le débarquement
PLUMETOT
Souvenirs de ses habitants et de ses libérateurs.
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Nuit du 5 au 6 juin 1944- Pour s’abriter des bombardiers, beaucoup de Cresseronnais se réfugient dans le chemin des Vallées, encaissé et bordé de grands arbres. Premiers bombardements. La ferme des Buhours (Cresserons) est très endommagée. Les Alliés semblent l’avoir confondue avec celle des Ygouf, à Plumetot, où plusieurs canons allemands étaient installés.
Livre de Cresserons.
6 juin 44- “Vers 4h du matin, nous sommes réveillés par des bruits sourds venant de la côte. Mon père, qui savait l’imminence d’un débarquement, nous en informe. Que de joie ! Mais bien longue fut cette première journée ! Il y eut cette fois peu de morts et de blessés, mais les Caennais, qui pensaient attendre jusque-là tranquillement l’arrivée des Anglais, fuirent en nombre vers la campagne au sud de la ville pour y trouver plus de sécurité. Un peu plus tard dans l’après midi, je vais prendre des nouvelles de M. et Mme. Foy, amis intimes de la famille et parents de Patrice Foy, qui deviendra plus tard curé de Plumetot.
Vers dix-neuf heures, je vais au presbytère St Jean, rue des Carmes, voir le chanoine Pelcerf, qui arrive un moment plus tard chez nous avec calices et ciboires de l’église St. Jean pour les mettre à l’abri dans notre coffre-fort. Tout autour les maisons brûlent, le quartier est en flammes et seules restent accessibles à pied la rue St Jean, en direction de l’Orne, et la rue Gabriel Dupont.
Par la passerelle de l’Orne et la rue de l’Arquette, avec nos vélos, nous gagnons les carrières de Fleury. Nous y resterons jusqu’au 10 ou 12 juin, avec un petit millier de personnes, à même le sol des carrières. La ville est un immense incendie que nul ne peut approcher.
Lorsque, au bout de quelques jours, nous revenons, il ne reste rien qu’un cratère, un énorme tas de pierres fumantes et un arbre ! Nous avons les larmes aux yeux, tant de souvenirs de famille disparus, mais mon père me regarde en disant : “nous avons beaucoup de chance, nous sommes tous vivants” Dans le fond d’un cratère, tout de même, nous retrouverons une baignoire et, posée au milieu, une petite Vierge à la chaise en bronze doré, intacte, qui ornait une pendule dans la chambre de ma sœur, et puis, sous l’escalier du jardin, la cage du lapin, encore vivant, que nous avons relâché dans les ruines, incapables de le garder.”
Henry Mengin.
6 juin 1944- Pendant ce temps, à Plumetot, le matin du débarquement, Jean-Claude Marin, petit garçon de 8 ans, était dehors avec son verre de café au lait à la main. Le bruit était tel que les maisons tremblaient et les mains de l’enfant tout autant, si bien qu’en rentrant dans la maison, il n’y avait plus une goutte de café dans son verre.
Souvenir de Jean-Claude.
Ce même 6 juin – Jean est obligé de transporter dans sa vachère la cuisine roulante des Allemands qui se sont réfugiés à la “Pierre-au-Diable” et dans le bois de Ste. Marie. Même chose pour y transporter des obus dans l’après- midi, Jean refuse et prête seulement le cheval et le tombereau. Les Allemands s’enfuient vers 16 h.
Récit de Jean.
La nuit suivant leur départ, le jeune Allemand venu la veille réclamer la vachère (et apparemment enrôlé de force au moment de l’invasion allemande) vient, avec un camarade, frapper discrètement à la porte des Marin et demande si on peut leur donner des vêtements. C’est une fille Marin qui leur en donne. Que sont-ils devenus ? Ils se seraient rendus aux Anglais.
Récit de Jean Claude Marin
Nuit du 6 au 7 juin. Venant de Lébisey, des Allemands essaient de revenir, au bout du champ des Demonchy. Ils repartent vite fait.
Récit de Jean.
7 juin au matin. A 8h.30 les Anglais entrent à Cresserons, traversent, prennent la route de Plumetot et vont au bois de Ste. Marie avec leurs chars. Brefs combats. A 10h. Jean voit surgir d’une tranchée, au fond de leur champ (Bout Varin) des Anglais, mitraillettes en joue, peu commodes, venant de Colleville. Ils comprennent qu’il n’y a plus d’Allemands et baissent leurs armes.
Récit de Jean.
7 Juin au matin. Même moment vu par un enfant de 8 ans. La tranchée des Demonchy, en forme de U et étayée par des poutres, abritait les Demonchy, les Ygouf et les Marin. Les enfants devaient se mettrent tête-bêche pour tenir. Ils avaient donc des poux de la tête aux pieds ! Il fallait rester parfois 2 à 3 jours dans la tranchée, sans trop en sortir. Quand il y avait une accalmie, Marguerite Demonchy sortait traire les vaches pour avoir du lait pour les enfants. Quand les Anglais arrivèrent, prêts à lancer une grenade dans la tranchée au cas où un Allemand s’y serait abrité, le père Marin se dépêcha de sortir le bras du trou en agitant un mouchoir blanc. Une fois rassuré, tout le monde partagea un coup de cidre.
Souvenir de J.C Marin.
Un tir de barrage serré a lieu sur Plumetot (sans doute anglais). Un obus tombe dans la grande maison, Bout de la Burbulence, en face de la maison actuelle de Jean-Claude, la maison de Mme Lechevallier est démolie, Bout des Hue, (maison actuelle des Durécu) et le manoir des Mengin reçoit un obus de marine sur un pignon.
8 juin. Débarqué à Graye-sur-Mer, ayant traversé Douvres puis Cresserons, le sergent 3ème classe de batterie Reg Elsey entre dans Plumetot avec ses hommes, l’après-midi, et ils s’installent dans le verger des Buhours, en haut du Bout Basset, pour une semaine. Ce sont les premiers Anglais arrivés à Plumetot.
Récit de Reg Elsey.
Mme. Bandrac (Renée Marie) s’en souvient fort bien, ainsi que de l’herbage, en haut à gauche du Chemin du Maréchal, qui servit, plus tard, d’espace de réparations, une fois l’aérodrome mis en service.
Souvenir de Renée Marie, 12 ans en 44.
Cet herbage, lui, appartenait à l’époque à Mme Biron
(Précision de Mme Jourdan)
Vendredi 9 juin – Un artilleur du groupe de Reg.Elsey est gravement brûlé, après une erreur de manipulation, avec de l’essence en faisant chauffer sa ration. Il est transporté à Juno pour les premiers soins, puis par bateau en Angleterre où il peut se rétablir.
Récit de Reg Elsey.
12 juin 44- “Je suis affecté dans les équipes d’urgence au centre de triage du Bon Sauveur. Mes parents y trouvent refuge chez les religieuses, où ils resteront jusqu’à la fin août; ils y sont rejoints par ma sœur et son bébé. Du 12 juin au 8 juillet les nuits seront courtes, sans arrêt sur la brèche au sud de Caen ou dans le centre de la ville pour transporter les blessés et chercher dans les ruines ceux qui sont restés pendant des jours enfermés dans les caves recouvertes d’éboulements.”
Henry Mengin.
Nuit du 12 au 13 juin – Croyant avoir affaire à un Allemand, une des sentinelles de la patrouille tue par erreur un de ses camarades, trop endormi pour répondre à la sommation en allant se soulager derrière un pommier. L’aumônier de la division militaire effectue un enterrement succinct et l’homme est inhumé dans une couverture de l’armée à même le sol, dans un angle du verger. Le transfert de son corps se fit quelques mois plus tard.
Récit de Reg Elsey.
Dimanche 12 juin– Reg est invité à déjeuner le midi, au 23 Bout Basset, par la famille François. Quel formidable souvenir, amical et culinaire !
Récit de Reg Elsey.
Lundi 13 juin – Reg et quelques camarades voient et entendent, devant l’église au-dessus de leurs têtes, un “objet non identifié ” venant de l’intérieur des terres et s’orientant vers la Manche et l’Angleterre. Ce qu’ils prirent d’abord pour un missile s’avéra être un V1, la première bombe volante envoyée sur Londres.
Récit de Reg Elsey.
Mardi 14 juin – Une unité d’un régiment de la R.A.F. avec véhicules et “J.C.B.” (engins mécaniques pour creuser) , section du génie (mécaniciens, constructeurs de ponts, etc.) commence à niveler le sol avant de poser des tapis en mailles d’acier entassés près de la haie. C’est le début de l’aménagement du “B 10”.
Récit de Jean.
” La piste en terre battue est doublée d’une piste parallèle recouverte d’un tapis goudronné. Il sera le seul, sur les 19 autres aérodromes de campagne britanniques, à posséder une telle protection pour éviter la poussière destructrice sur les moteurs d’avions.”
Livre de Mathieu.
Les chars anglais démolissent le mur, côté rue, du Clos du Bout Basset, ainsi que celui du presbytère, pour une meilleure circulation des engins (n°s 22, 24, 26, 28, 30 actuels).
Souvenir de Georges Hamelin.
Dans l’herbage, Bout des Hue, face à la ferme de Jean Demonchy (à l’époque à ses beaux- parents), tous les Anglais sont tués dans leur tranchée personnelle par des grenades parachutées.
Récit de Jean.
Il s’agit très probablement d’une “bombe-kilo”, sorte de petit container, lâchant des bombes anti-personnelles juste au-dessus du sol.
Précisions d’André Heinz.
Un pilote anglais (professeur de Français !) s’abritait, avec un camarade, dans un grand tonneau qui se trouvait coincé entre le mur de la ferme actuelle de Jean et le mur du hangar d’aviation allemand désaffecté. Y pénétrer par le guichet était un exploit mais c’était un bon abri, sûr, car ils ne furent pas tués.
Récit de Jean.
Les Allemands, retranchés à Biéville, sortaient furtivement les canons de leurs galeries pour tirer sur le B 10. Ces tirs, sans régularité, étaient aussi dangereux pour les Anglais que pour les habitants. Un avion de reconnaissance finit par les neutraliser.
Livre de Mathieu et récit de Reg.
juin 44- Clémentine Picard, 24 ans, est apprentie-coiffeuse rue de Bernières à Caen. Son fiancé, René Jourdan, 22 ans, est déjà en Allemagne depuis un moment. Il travaillait depuis l’âge de 13 ans aux Tricoteries de Villers et son patron l’avait prévenu qu’il avait dû donner son nom au préfet pour le S.T.O., le service du travail obligatoire. Il y reste 26 mois à l’entretien des chars.
Récit de Mme. Jourdan.